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Révision de l’accord de libre-échange Tunisie-Turquie | Alléger le déficit de la balance commerciale

 

Même signé depuis plusieurs années, un accord de libre-échange peut évoluer… il n’est pas figé dans le marbre. Face à la grogne des industries locales et à un déficit commercial grandissant, la Tunisie a décidé de mener des négociations avec la Turquie pour modifier l’accord jugé inéquitable par de nombreux secteurs.

Au cours de ces dernières années, les puissances commerciales sont de plus en plus enclines à protéger leur marché domestique de l’invasion des produits ou services étrangers susceptibles de fragiliser leur tissu économique et industriel. Les accords économiques dits « de nouvelle génération», bien plus complets que de simples accords commerciaux, permettent d’éviter les situations de blocage nécessitant des renégociations longues et des réajustements. Il  convient de noter que les relations commerciales entre la Turquie et la Tunisie reposent sur un accord de libre-échange datant de 2004, lequel fera bientôt l’objet d’une révision à la sollicitation de la partie tunisienne. Cette démarche a été motivée par la détérioration du déficit commercial entre les deux pays qui persiste toujours.

Et qu’en est-il de l’aggravation du défit commercial, de la compétitivité des entreprises nationales et de l’accès des marchandises tunisiennes aux marchés étrangers? Les importations ont progressé beaucoup plus vite que les exportations après la signature de l’ALE où le déficit commercial de la Tunisie s’est remarquablement creusé. Mais il existe toujours des instruments de défense commerciale visant à corriger les distorsions de marché que peuvent subir les différents secteurs.

Notons que le déficit commercial avec la Turquie a atteint 2.807,7 millions de dinars pour les dix premiers mois de 2023, sur un déficit commercial total de 15.856,6 millions de dinars. Jusqu’à fin octobre 2023, les exportations vers la Turquie s’élevaient à 538 millions de dinars, alors que les importations atteignaient les 3.345,7 millions de dinars.

Un déséquilibre flagrant

L’Accord de libre-échange tuniso-turc a  suscité, durant la dernière décennie, beaucoup de controverses. Il était temps que le gouvernement pose la question de sa révision. Ceci dit, tout l’enjeu des renégociations de cet accord sera de conserver un juste équilibre entre l’ouverture économique de la Tunisie, et la préservation de l’industrie nationale, avec l’objectif majeur de résorber le déficit structurel de la balance commerciale, dont les causes sont nombreuses. Une révision permettant de mettre à niveau les échanges commerciaux bilatéraux.

En effet, le ministère du Commerce et du Développement des exportations œuvre à la révision des dispositions de l’accord de libre-échange liant la Tunisie à la Turquie pour alléger le déficit de la balance commerciale avec ce pays. Le ministère compte élargir la liste des produits exclus du régime privilégié, notamment les produits similaires fabriqués sur le marché local et les industries qui affrontent des difficultés à cause de l’intensification des importations de Turquie.

Selon le ministère de tutelle, d’autres mesures de défense commerciale sont activées à la demande de l’industrie nationale affectée par des pratiques déloyales à l’importation ou par des importations massives de Turquie. Outre la défense des exportations qui vise à affronter la tendance protectionniste croissante prise par de nombreux pays. Il s’agit, entre autres, «d’imposer des taxes protectionnistes pour fournir des ressources supplémentaires au Trésor public et de mettre en place une plateforme d’enregistrement des exportateurs étrangers autorisés à exporter leurs produits vers le marché tunisien, et ce, en coordination avec les structures concernées».

Le ministère a également rappelé « qu’un système de contrôle préalable à l’importation des produits de consommation a été mis en œuvre, en plus d’un contrôle des demandes de domiciliation de titre de “Commerce extérieur” pour l’importation de ces produits. Ils s’imposeront à la Turquie comme aux autres pays».

Le département du Commerce a fait savoir que « le contrôle de l’origine des produits a été renforcé pour lutter contre la manipulation de l’origine pratiquée par certains exportateurs pour bénéficier du régime privilégié. Il en est de même pour la lutte contre les fausses déclarations de valeur des marchandises pour favoriser la mobilisation de ressources».

Quoique nécessaire quand les accords de libre-échange signés par la Tunisie avec ses partenaires portent plutôt préjudice à l’économie nationale au lieu de contribuer à son développement, leur révision ne suffit pas à elle seule à mettre fin au déficit de la balance commerciale du pays avec ces partenaires et à redresser la situation. Il est vrai  aussi que la révision de tous les accords de libre-échange signés par la Tunisie avec ses partenaires, dont la Turquie, est une nécessité, quand il s’agit de préserver l’intérêt national.  Pour ce faire, la Tunisie est tenue plutôt d’œuvrer à travers le développement de son secteur industriel pour améliorer la qualité de ses produits.

Virage stratégique

La partie turque a accepté de revoir l’accord de libre-échange avec la Tunisie pour qu’il soit mutuellement bénéfique. Car  tout accord de libre-échange doit être précédé d’une profonde étude d’impact, qui devra déterminer si l’économie du pays concerné est complémentaire ou concurrentielle de l’économie tunisienne. Pour cela, la Tunisie doit jouer la carte du principe de réciprocité.

De l’avis du professeur universitaire en sciences économiques, Ridha Chkoundali, «il est faux d’imputer le déficit de la balance commerciale au déficit avec la Turquie qui est de l’ordre de 2,8 milliards de dinars. Le déficit avec ce pays est au quatrième rang après la Chine avec sept milliards de dinars, la Russie avec six milliards de dinars et l’Algérie avec 3,5 milliards de dinars sur les 15,9 milliards de dinars de déficit de la balance commerciale du pays. Le déficit commercial avec la Turquie est en train de diminuer, ayant atteint 3,4 milliards de dinars en 2021 : une tendance vers l’amélioration».

Pour lui, «le déficit avec la Turquie et même d’autres pays n’est pas causé par cette ouverture, mais plutôt par les politiques économiques suivies suite à la révolution, notamment la hausse de la pression fiscale de 20% à 25%, la hausse du taux d’intérêt directeur de 3% à 8% et le glissement du dinar tunisien par rapport aux monnaies étrangères. Ces facteurs ont impacté les entreprises tunisiennes, baissant leur compétitivité et augmentant les coûts de leurs produits».

Liste des produits révisée

Une série de propositions formulées par la commission de coopération tuniso-turque chargée de développer l’accord de libre-échange bilatéral a été adoptée. Il a été ainsi décidé de réviser la liste de certains produits et articles industriels turcs ( les produits d’entretien et détergents, les pneus en caoutchouc, le prêt à porter et les objets en plastique) qui peuvent être substitués par d’autres produits locaux et de leur imposer des tarifs douaniers. Cette décision sera inscrite dans le cadre de la loi de finances de 2024. Il a été également convenu de faire bénéficier les exportations tunisiennes de certains produits agricoles et alimentaires vers la Turquie d’avantages, et ce, sous forme de quotas annuels qui seront exonérés des droits de douane.

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